La censure des talk shows politiques en Italie


mardi 13 avril 2010

Introduction

La révolution numérique de ces dernières années a obligé les médias traditionnels (journaux, radios, télévisions) à s'adapter aux nouvelles technologies du multimédia. Tous sont désormais présents sur la toile à travers un site internet. Nous vivons dans une époque où la diffusion de l'information s'est accélérée. Les sites internet sont fréquemment mis à jour en fonction de l'actualité et les médias sont de plus en plus en concurrence pour avoir l'exclusivité. Il faut toutefois se méfier de la surabondance et donc de la véracité de l'information. On différencie dorénavant les médias traditionnels aux nouveaux médias (sites internet, blogs, réseaux sociaux).

Par ce travail, nous voulons analyser la différence du traitement de l'information de ces deux types de médias. Nous avons choisi pour cela de se pencher sur le problème de la censure des médias en Italie. Plus précisément sur l'interdiction de la diffusion des débats politiques sur la chaîne de télévision publique, la Rai, qui ont précédé les élections régionales des 28 et 29 mars 2010.

Nous avons recherché les médias qui ont traité le sujet et en avons retenus six: trois nouveaux médias et trois médias traditionnels. Il s'agit du quotidien français Le Monde, de la chaîne de télévision européenne Euronews et de l'hebdomadaire italien L'Espresso pour les médias traditionnels. Gli Antennati de Riccardo Bocca, le blog de Eric Valmir et L'Anticomunitarista de Daniele Sensi représentent les nouveaux médias.


Censure des talk shows en Italie: comment, pourquoi, par qui ?

Une forte restriction de la liberté de la presse a eu lieu dans le cadre des élections régionales et administratives italiennes des 28 et 29 mars 2010. Il s'agit de l'interdiction de transmettre les programmes d'approfondissement politique de la Rai, la chaîne de télévision publique italienne, pendant toute la période de campagne électorale.

Cette décision a été prise par la majorité de droite du Conseil d'administration (cda) de la Rai. Elle se base sur un règlement édicté par la Commission de surveillance de la Rai dont le but est d'assurer le respect du principe "par condicio", c'est-à-dire la répartition en parties égales du temps consacré par les médias aux partis politiques pendant les campagnes électorales. D'après la Commission, les programmes politiques de la Rai du mois de février ont été déséquilibrés en pénalisant les partis de droite. L'adoption du règlement serait donc devenue nécessaire pour "donner le maximum de l'information publique", explique Alessio Butti, chef du groupe de la droite (PDL) au sein de la Commission.

La décision du cda de la Rai et le règlement pour le principe "par condicio" ont suscité beaucoup de polémiques à l'extérieur et à l'intérieur de la Rai elle-même. Les médias hors de l'orbite des partis de droite condamnent l'interdiction en la jugeant une véritable censure préventive. Les journalistes des programmes intéressés, Michele Santoro d’Annozero, Giovanni Floris de Ballarò et Bruno Vespa de Porta a Porta, jugent la mesure injustifiée et inconstitutionnelle. Elle marque, d'après eux, la période la plus sombre de la télévision publique italienne, censurant de facto le débat politique dans le moment où celui-ci est le plus nécessaire à l'opinion publique. Santoro définit l'interdiction comme "une preuve de force du gouvernement sur la télévision et les journalistes". Le président du cda de la Rai, Paolo Garimberti, et le chef de la Commission de surveillance, Sergio Zavoli, désapprouvent la fermeture des programmes. "La démocratie ce n'est pas contraindre la presse au silence", commente Garimberti.

Mais il n'est pas seulement question de censure préventive. Derrière cette interdiction, il y a une question encore plus grande: l'intromission de la politique dans la Rai par l'imposition de ses cadres dirigeants. Ces cadres auraient permis la suspension momentanée des émissions politiques sur demande de Silvio Berlusconi lui-même.

Des écoutes téléphoniques témoignent de l'intention de Silvio Berlusconi de fermer le programme Annozero, qu’il définit comme "une horreur incivile et barbare", et de son aversion pour son conducteur, Michele Santoro. D'après les enregistrements, le Cavaliere voulait empêcher les émissions d’Annozero. Plus précisément, il aurait demandé au président de l'Agcom, l'Autorité garante des communications, de censurer les émissions traitant de deux enquêtes pour corruption menées sur lui. Berlusconi commente ainsi les écoutes téléphoniques: "c'est un devoir de demander à l'Agcom d'intervenir pour demander de fermer l'absurdité des transmissions de Santoro qui ne consent pas aux accusés de se défendre". Cependant, le nom de Silvio Berlusconi a été inscrit dans le registre des enquêtés du ministère de la justice à cause des pressions qui auraient été exercées afin de suspendre le programme Annozero.

En signe de protestation contre la censure, le 25 mars, Michele Santoro a souhaité organiser Raiperunanotte, une émission-manifestation, pour donner voix à l'indignation de l'opinion publique envers l'effacement momentané des programmes politiques de toutes les chaines de la Rai. Raiperunanotte a été mise en place grâce à l'Union syndicale des journalistes de la Rai (USIGRai) et par la Fédération nationale de la presse italienne (FNSI). L'émission a été diffusée sur grand écran en direct de 200 villes italiennes, dont Bologne, Rome et Naples., Elle a aussi été retransmise sur quarante télévisions locales privées, ainsi que sur Sky, Current tv, Repubblica tv et Corriere tv. Mais également sur plus de 30 radios ainsi qu'en streaming sur de nombreux sites internet. Près de 6'000 personnes ont assisté à l'émission sur le plateau de Raiperunanotte et près de 300'000 l'ont visionné à travers les différents canaux cités ci-dessus, notamment sur le Web. Selon des chiffres communiqués par les organisateurs, l'émission a obtenu 13% d'audimat. Santoro a invité des personnes qui ont déjà subi la censure de la Rai. Il a également fait une comparaison entre Mussolini et Berlusconi et a adressé une réflexion alarmante au Présidente de la République Giorgio Napolitano: "on n'est pas encore au fascisme mais certaines similitudes font préoccuper".


Présentation des médias traditionnels

Le Monde
Le Monde est un quotidien français de référence qui a été créé en 1944 par Hubert Beuve-Méry. Son influence est importante dans le milieu de la presse écrite francophone, aussi bien dans l’Hexagone qu’à l’étranger. C’est d’ailleurs le quotidien français le plus diffusé à l’étranger. Le Monde présente toutefois une particularité : le quotidien paraît dans l’après-midi alors qu’il est daté du lendemain de son jour de parution. Son tirage atteint environ 340'000 exemplaires quotidiennement. Sylvie Kauffmann est devenue la nouvelle rédactrice en cheffe le 18 janvier dernier. Elle a remplacé Alain Franchon à cette fonction.

Ligne éditoriale
Sur le plan politique, le journal transmet plusieurs grands courants d’idée : le christianisme social et le socialisme réformiste sur le plan intérieur ainsi qu’une pointe d’antiaméricanisme sur le plan extérieur. Actuellement, le journal adopte fréquemment des positions hostiles à la politique du président Nicolas Sarkosy et son gouvernement.

Adaptation aux nouvelles technologies
Depuis 2005, le journal publie une nouvelle formule, dans laquelle l’image a pris beaucoup d’importance. En 1995, Le Monde s’est doté d’un site internet. Il reprend les articles de la version papier, mais il dispose également de dossiers thématiques et d’autres sources, telles que les agences de presse. La quasi-totalité du contenu du journal Le Monde était disponible gratuitement chaque jour sur internet. Depuis le mois dernier, Le Monde a décidé que le contenu de son site internet allait devenir payant petit à petit. De nouvelles applications pour iPhone et iPad arriveront ce mois encore.


Euronews
Euronews est une chaîne de télévision européenne. Elle a été fondée en 1992 à Lyon. Lors de son lancement, elle était la première chaîne d’information multilingue au monde. Euronews diffuse effectivement en neuf langues simultanément. Euronews est la première chaîne internationale d’information en Europe avec 6,5 millions de téléspectateurs quotidiennement. Elle dépasse ainsi CNN International, BBC World News ou encore France24. L’an passé, 151 pays et plus de 300 millions de foyers avaient accès à Euronews. Sa particularité : elle est l’une des rares chaînes d’informations à n’avoir aucun présentateur su le plateau.

Ligne éditoriale
Euronews a été créée suite à la mise en évidence de la suprématie de CNN comme source d’images lors de la guerre du Golfe. C’est l’Union européenne de radio-télévision qui est à l’initiative de son lancement. Elle voulait ainsi proposer une perspective européenne sur l’actualité internationale et participer à la construction d’une identité européenne. Une convention avec l’Union européenne a d’ailleurs été signée en 2005 : Euronews s’est engagée à remplir une "mission d’information européenne". En contre partie, l’Union européenne lui verse 5 millions d’euros par an pendant cinq ans. Euronews s’est assurée ainsi une stabilité financière jusqu’à fin 2010. Selon des études, elle est d’ailleurs appréciée pour son objectivité et son indépendance éditoriale. La chaîne de télévision européenne donne la priorité aux faits et refuse tout sensationnalisme quant au traitement de l’information.

Adaptation aux nouvelles technologies
Euronews propose aussi ses informations par podcast sur son site internet. Son programme "No comment" (images brutes sans commentaires) est également mis à disposition des internautes sur le site de partage de vidéos Youtube depuis octobre 2007.


L’Espresso
L'Espresso est un hebdomadaire généraliste qui traite de l’actualité politique, économique et culturelle. Il a été fondé en 1955 par Eugenio Scalfari, qui créera ensuite La Repubblica, un quotidien italien. Tous deux appartiennent à l’industriel piémontais Carlo De Benedetti et au groupe éditorial L’Espresso SpA. A ses débuts, L'Espresso était composé d’environ seize pages. Aujourd’hui, il peut contenir jusqu’à plus de 250 pages. Le tirage de L'Espresso a dépassé 100'000 exemplaires en 1967, il atteint plus de 400'000 exemplaires actuellement. Daniela Hamaui est la rédactrice en cheffe actuelle. Elle occupe cette fonction depuis 2002.

Ligne éditoriale
L’Espresso s’est rapidement imposé comme le grand hebdomadaire du centre gauche. Il mène une lutte acharnée contre la politique de Silvio Berlusconi. L’Espresso s'est fait une spécialité des campagnes contre les potentats et la dénonciation des scandales économiques et politiques.

Adaptation aux nouvelles technologies
L’hebdomadaire a son site internet. Il est relativement simple, mais graphiquement un peu dépassé. Il contient des articles propres, liés à l'actualité, et aussi des avant-premières des articles qui seront publiés dans le magazine en fin de semaine. Les articles du numéro en kiosque ne sont toutefois pas disponibles au moment de la parution de celui-ci. Par ailleurs, une trentaine de journaliste sde la rédaction tiennent désormais leur propre blog sur le site internet de L’Espresso (voir celui de Riccardo Bocca).

(Principale source : www.wikipedia.org)


Présentation des nouveaux médias

Eric Valmir (24.03.1968) est un journaliste et écrivain français. Il est le correspondant en Italie de Radio France. Eric Valmir a longtemps été reporter à France Inter, avant d’être nommé le 1er août 2006 "envoyé spécial permanent" en Italie pour les antennes de Radio France. Il couvre ainsi l’actualité italienne pour France Inter, France Info, France Culture et France Bleue. Eric Valmir a également publié deux romans. En 2008, Eric Valmir créé son propre blog : "Le blog de Eric Valmir". Ce blog a pour ambition de faire "comprendre l'Italie à travers ses nuances, loin des caricatures faciles". Sur ce blog, Eric Valmir peut laisser libre cours à ses envies et donner son opinion, ce qu’il ne peut pas se permettre en tant que correspondant pour Radio France. Il traite de divers sujet, mais ses domaines de prédilection sont la politique et la société. De nombreux sujets sont traités autant à la radio que sur son blog, mais de manière distinctes. Le blog aborde toutefois un angle différent, souvent plus personnel.

Radio France
Radio France gère les stations de radio publiques en France ainsi que plusieurs formations musicales. C’est une société de services publics. Radio France a été fondée en 1974. Elle est le résultat de l’éclatement de l'ORTF (Office de radiodiffusion télévision française) en sept sociétés publiques indépendantes.


Gli Antennati est un blog qui fait partie du site internet de l’hebdomadaire italien L’Espresso. Il est tenu et rédigé par Riccardo Bocca. Gli Antennanti a été fondé en 2009. Riccardo Bocca (1964) exerce la profession de journaliste depuis 1991 et a rejoint L’Espresso en 2001. Il est l’auteur de nombreux livres.

L’Espresso
L’Espresso est un hebdomadaire italien de sensibilité de gauche. Il traite l’actualité politique, culturelle et économique. L’Espresso est publié depuis 1955. Trente journalistes de la rédaction ont désormais leur blog personnel sur le site internet de l’hebdomadaire. (Pour plus d’informations sur l’hebdomadaire L’Espresso, voir les médias traditionnels)


L’AntiComunitarista est un blog tenu par Daniele Sensi. Daniele Sensi (21.03.1976) est un freelance italien. Il a crée ce blog au début de l’année 2008 dans le but de combler un vide. L’Italien trouvait qu’il manquait un espace sur internet qui analysait sérieusement et avec méthode la propagande de la Ligue du Nord (parti politique fédéraliste et régionaliste, parfois décrit comme populiste). Le freelance a par la suite élargi son blog au thème de la politique italienne dans son ensemble, à la perception de l’Italie par la presse étrangère ainsi qu’au débat interne de la gauche. Daniele Sensi est d’une idéologie de gauche. Il déclare vouloir créer de l’information car il ressent le devoir de communiquer. Il trouve que la plus grande satisfaction pour un blogueur qui s’occupe d’actualité est le sentiment d’avoir accompli sa tâche.


Mise à la porte de la Rai, la politique rentre par la fenêtre d'internet (Le Monde)

Le correspondant en Italie pour le quotidien Le Monde, Philippe Ridet, a rédigé un article concernant l’annulation du débat politique Annozero sur la chaîne de télévision publique italienne, la Rai. Le papier a été posté sur internet le 26 mars 2010 à 15h30 et une mise à jour a été faite à 17h06. L’article, intitulé "Mise à la porte de la Rai, la politique rentre par la fenêtre d’Internet", a été publié le jour suivant dans le quotidien Le Monde.

Dans son article, Philippe Ridet commence par énoncer les faits : dans le cadre des élections régionales des 28 et 29 mars 2010, des débats politiques sont organisés. Le Président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, interdit la diffusion du dernier meeting, le vendredi 26 mars, sur la chaîne de télévision publique la Rai. A défaut d’être retransmis par la chaîne publique, le débat est alors diffusé sur internet. Philippe Ridet explique également que cette réunion était publique et que plus de 5000 personnes y ont assisté. Par ailleurs, il évoque l’ambigüité relative au fait que le débat était animé par des journalistes animateurs d’émissions de débats politiques, mais que la "Rai a voulu imposer le silence avant le scrutin". L’événement a cependant été retransmis par de nombreuses chaînes de télévision privées, notamment Sky, ainsi que par des sites internet. Toutefois, les dirigeants de la Rai, nommés par le pouvoir actuel, ont décidé de suspendre toute les émissions de débats politiques pendant la durée de la campagne électorale.

Le célèbre journaliste anti-Berlusconi, Michele Santoro, était l’un des animateurs de l’émission. Philippe Ridet cite quelques-uns des propos que Santoro a échangé avec ses invités : ils ont parlé de "censure", d’un pays "au bord d’une défaite civile", d’un besoin de "changement radical" et même de "révolution". Les sites internet des partis de gauche qui ont retransmis l’événement l’ont qualifié du "plus grand événement de l’histoire du web" en Italie.

Dans une deuxième partie de son article, Philippe Ridet, fait le lien avec une autre affaire concernant la censure des médias par Silvio Berlusconi : les pressions du Cavaliere sur les responsables de l’autorité de régulation des médias et de la Rai. Cette affaire a été révélée par la presse italienne au début du mois de mars. Berlusconi aurait été mis sous écoutes téléphoniques en novembre et décembre 2009.

L’ensemble de cet article est purement factuel. Le correspondant du quotidien Le Monde en Italie ne donne pas son opinion. Il se contente de rapporter les faits, sans porter de jugement. Dans sa conclusion, il laisse toutefois entrevoir son avis, mais difficile de dire si c’est le sien ou s’il parle au nom des Italiens. Philippe Ridet conclut en déclarant que la Rai sort de cet "épisode dans un piteux état : archaïque dans sa gestion politique, et inefficace dans sa tentative de contrôler l'information à l'heure de la communication globale". Par ailleurs, Philippe Ridet est resté centré sur l’événement de l’interdiction de diffusion du débat. Il n’a pas élargi l’angle de son article au problème général du pouvoir que détient Berlusconi sur les médias italiens. Il a seulement fait le lien avec une affaire datant de la fin d’année passée.

Sur le site internet du Monde, l'article est donc identique à celui publié dans le quotidien. Seule différence: trois commentaires ont été déposés par des internautes. On constate ici l'interactivité rendue possible par un site internet.

Lien pour lire l'article de Philippe Ridet "Mise à la porte de la Rai, la politique s'invite par la fenêtre d'internet"



Italie: une télévision publique anesthésiée ? (Euronews)

La chaîne de télévision d'information a également traité le sujet de la censure des débats politiques sur la Rai durant la campagne pour les élections régionales. La rubrique "Europeans" y a consacré un reportage de huit minutes le 19 mars 2010, intitulé "Italie : une télévision publique anesthésiée ? ". Il s’agit d’une enquête sur le pouvoir que détient Silvio Berlusconi sur les médias italiens en général qui s’appuie sur l’interdiction de la diffusion de tous les débats politiques durant la période électorale, notamment l’émission Annozero.

Durant la première minute du reportage, la journaliste rappelle les faits, puis l’enquête débute avec une série d’interviews. Tout d’abord, le journaliste du talk show Ballarò, Giovanni Floris, déclare être convaincu que "cette décision n’émane pas que de la volonté d’une personne" (à savoir Silvio Berlusconi ndlr). Giovanni Floris explique la nouvelle loi "par condicio" qui a été mise en place pour la parité de temps de parole des politiciens lors de ces débats. Il indique que c’est un parlementaire issu de l’opposition qui a proposé cette loi. Floris croit que ce parlementaire d’un petit parti l’a élaboré afin de permettre aux membres de son parti de bénéficier de plus de temps de parole. La majorité de Berlusconi a su retourner cette loi en sa faveur. Le Gouvernement italien l'a alors conduite à interdire ces débats télévisuels.

Puis, le reportage montre une des 51 candidates aux élections régionales, Emma Bonino (ndlr candidate du parti radical de la région du Latium). Celle-ci explique que, "bien que sa vidéo de campagne électorale soit bien réalisée, elle ne pèse bien peu face à l’empire médiatique de Silvio Berlusconi".

Puis, on revient sur la censure de ces talk shows. Berlusconi accuse les animateurs de ces débats et leurs invités de participer à une conspiration de gauche pour le faire tomber. Le Cavaliere n’est pas rassuré ces temps, étant donné que sa cote de popularité est en baisse suite à une série de scandales sexuels présumés, d’accusation de corruption et de procès. Selon Enrico Menduni, un analyste politique, la volonté de réduire cette forme de communication politique par Silvio Berlusconi est compréhensible puisque la majorité de ces leaders d’opinions proviennent de l’opposition.

L’enquête rappelle ensuite le pouvoir que détient Berlusconi sur les médias italiens : il possède le groupe Mediaset et son influence sur la Rai est notable. Le Cavaliere contrôle plus ou moins directement la totalité des chaînes de télévisions non payantes. On évoque ensuite que le grand talk show de Mediaset, Matrix, a quant à lui été maintenu, car il est diffusé sur une chaîne privée. Suit une interview de l’ancien présentateur de Matrix, Enrico Mentana. Selon lui, "le problème des médias italiens n’est pas leur manque de démocratie, mais l’inverse". Il déplore le fait que dans les médias italiens, on puisse tout dire. Par exemple, on a déjà entendu des politiciens dire que "Berlusconi devrait être envoyé en prison", ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays européens, déclare-t-il.

Le reportage présente ensuite la position de l’Italie dans le classement de Freedom House (organisation indépendante qui classe les pays selon leur liberté de la presse) : en 2009, l’Italie a rétrogradé dans la catégorie de la presse "partiellement libre" et est passé au 73e rang sur 195 pays.

Finalement, un analyste politique, Pierluigi Batista, explique dans une interview que "la relation entre la politique et les médias en Italie a toujours été tourmentée mais qu’en ce moment c’est bien la politique qui a la main". Selon lui, le problème est que "le politique décide de l’information".

En conclusion, la journaliste qui a réalisé l’enquête rappelle que les talk shows seront de retour sur la chaîne de télévision publique la Rai après les élections régionales des 28 et 29 mars.

La chaîne de télévision d’information européenne a profité de cet événement pour réaliser une enquête approfondie sur le problème global du pouvoir de la politique sur les médias italiens. Ce reportage ne fait pas que rapporter les faits de cet événement. Euronews ayant pour mission de donner une perspective de l’information européenne, cette enquête a également été diffusée en italien, ainsi que dans les sept autres langues dans lesquelles travaillent Euronews. A noter que la vidéo est également visible sur le site de partage de vidéos, Youtube.

Un'altra Italia in tivù (L'Espresso)

L'hebdomadaire italien de sensibilité de gauche L'Espresso a publié sur son site web un article sur l'émission-manifestation unique en faveur de la liberté de la presse présentée par Michele Santoro, Raiperunanotte (traduit: Rai pour une nuit). Écrit par le journaliste Marco Damilano, il a été mis en ligne le 25 mars, puis mis à jour le lendemain.

Damilano éloge l'émission en la définissant comme un "grand rite de libération collective", une émission loin des censures du langage politiquement correct des téléjournaux Rai et Mediaset et révélant la torpeur dans laquelle les Italiens vivent depuis trop longtemps. "Finalement on a pu parler sans devoir s'autocensurer ou sans subir la censure de ce que normalement on ne peut même pas mentionner", dit-il. Sa position est donc claire depuis le début: pour lui, Raiperunanotte représente la vérité qui, précisément parce qu'elle est vraie, ne pouvait pas être censurée encore longtemps, et qui a justement trouvé le moyen de sortir à la lumière du jour.

L'opposition entre bien et mal, vérité et mensonges est très forte dans cet article. Le journaliste oppose le passé caractérisé par le sommeil des consciences au futur qui va vers une plus grande liberté de la presse afin de faire ressortir le plus possible son point de vue sur l'émission.

Par exemple, le journaliste fait une liste des intervenants à l'émission qui, ayant subi la censure, ont pu finalement parler librement, comme un presse vraiment libre devrait le permettre. À ce constat, il oppose les pressions qu'il juge épouvantables, faites par Berlusconi à l'Autorité garante des communications (Agcom) afin d'obtenir la fermeture de l'émission Annozero.

Un autre exemple: Damilano précise que la Rai et Mediaset n'ont pas voulu révéler l'information relative aux pressions du premier ministre sur l'Agcom. Ensuite il explique, par opposition, comment Raiperunanotte marque le début d'une nouvelle télévision: une télévision libre qu'un pays démocratique comme l'Italie devrait déjà avoir depuis longtemps, soutient Damilano.

Finalement, Damilano a beaucoup de confiance dans le fait qu'il y aurait une Italie lasse d'être censurée, qui "a envie de parler et d'exister", et que le régime italien, de plus en plus renfermé sur lui même, soit à la fin des ses jours. En soutien à cette thèse, il conclut son article par une similitude à caractère historique. Il compare l'émission de patinage artistique transmise au lieu d’Annozero aux programmes sportifs transmis dans l'ex Union soviétique lorsque la parti communiste imposait le silence sur un fait.

Lien pour l'article de Marco Damilano "Un'altra in tivù"